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19 août 2013 1 19 /08 /août /2013 23:45

 

J'ai beau me dire qu'il ne faut plus y penser, j'y pense. J'ai beau me convaincre que ce n'est pas grave, que ça passera, ça ne passe pas et ça s'aggrave. J'ai beau raisonner et me dire que c'est mieux ainsi et pour tout le monde, une petite voix en moi subsiste et me susurre à l'oreille que d'être raisonnable me tuera, et que c'est effectivement mieux pour tout le monde sauf pour moi. J'ai beau attendre et jouer la montre en tentant de me concentrer sur d'autres choses, le temps joue malheureusement contre moi, accentuant mes peines et mes échecs au lieu de les estomper.

 

J'ai beau jouer celui qui s'en sort, je dois bien me l'avouer, ça ne passe pas. Ma déroute à Aix, ma désillusion face à Katia, je ne les digère pas. Je crois qu'il y a une part d’orgueil écorché, d'amour propre piétiné, qui viennent s'ajouter à la tristesse de la déception, au sentiment frustrant de voir s'éloigner une promesse, ou tout au moins un espoir d'un amour possible avec une belle personne. J'ai toujours très mal géré mes sentiments, complètement démuni face à eux, sans défense, à la merci du moindre sourire enjôleur ou de la moue boudeuse de l'être aimé. Et cette indifférence qui me mine et me blesse plus profondément encore que les pires insultes.

 

Quand le fiasco aixois s'est dessiné, puis a pris forme pour finalement s'imposer de toute sa force, j'ai tenté de vaincre ma peine, mon désarroi en cherchant une consolation dans la raison et la réflexion. J'ai essayé de sauver mon esprit pris dans les tourments de la déception en me disant qu'il valait bien mieux que cette « rupture », pour autant qu'on puisse nommer ainsi l'arrêt de quelque chose qui n'avait même pas officiellement débuté, que cette cassure donc intervienne de suite. Avant que les choses n'aillent réellement plus loin, avant que les sentiments prennent le pas sur le reste, avant que l'amour ne grandisse et ne m'affole. Avant que cette relation mi-virtuelle mi-cachée ne fasse irruption dans la réalité et ne brise le fragile équilibre dans lequel évolue mon existence. Avant que d'autres que moi ne pâtissent de mes errances, de mes passions et de ma stupidité profonde.

 

Si du point de vue théorique et platement circonstanciel ce raisonnement tient la route et se veut rassurant, me confortant dans l'idée que « ça m'évite le pire », du point de vue personnel et psychologique cela ne fait que me nuire encore un peu plus. Me détruire encore un peu plus.

Car malgré ma belle logique, il y a cette même petite voix en moi, sournoise et atrocement cruelle dans sa façon de mettre le doigt et d'appuyer discrètement mais longuement et fermement là où ça fait le plus mal, cette petite voix qui me souffle à l'esprit que quoi que je dise, quoi que j'essaie de trouver comme excuse ou consolation, je ne parviendrai jamais à masquer à mes propres yeux et à ma conscience tous ces échecs qui s'accumulent, encore et encore. Alors que je me pensais à l'abri de tout cela, incapable de retomber dans les affres de l'amour et du sentiment d'absolu qui, je croyais, m'avait quitté, j'y ai replongé, tête la première, droit dans le mur, sans même penser à me protéger au moins un peu avant l'impact. Plus le temps passe, plus je réitère mes erreurs. Plus inquiétant même : je les aggrave.

 

Je me fourvoie d'abord avec Estelle qui éveille en moi des sentiments jusqu'alors inconnus, dont celui de fonder une famille par exemple, mais qui ne m'aimera jamais pour autre chose que l'image qu'elle se fait de moi, pas pour la réalité de qui je suis. Et comme cette image fluctue sans cesse en fonction de son caractère fortement instable, je finis par comprendre à quel point tout ceci n'est qu'une illusion sentimentale. Forte et puissante, mais basée sur du vent.

Puis je me vautre avec Karine, qui devient mon tout, mon héroïne, mon absolu. Elle crée en moi quelque chose de si fort que cela me change de l'intérieur. Je prends confiance, je m'apprécie, je ne connais plus le doute. Trois choses inédites pour moi, et d'une saveur si incroyable que je chavire complètement. Elle est mon idéal et je veux me hisser de toutes mes forces plus haut pour ne pas qu'elle ait trop à se pencher. Mais l'idéal se fissure, laisse place à une personne que je ne connais pas, rompt tout ce qui s'était forgé de beau et de fort en moi, brise l'espoir (ce vain espoir que je hais tant et auquel je me suis pourtant laissé aller) que l'avenir serait un jour meilleur, le mirage qui m'a fait croire que j'en valais peut-être quand même la peine. Qu'il restait quelque chose en moi à sauver.

Enfin je me ridiculise avec Katia qui me fait tourner la tête dans un tourbillon de sourires timides et de gémissements de jouissance. Je succombe à sa beauté et son charme animal, mes instincts primaires sont flattés et portés aux nues, je découvre une personnalité mêlant fragilité et force d'une manière que je trouve irrésistible (Estelle était la fragilité, Karine la force, Katia une synthèse parfaite des deux). Je me dis que peut-être la solution se trouve là où on l'attend le moins, j'affabule que l'amour peut défier la logique et la raison, je prends le pari totalement fou qu'on peut sincèrement tomber amoureux d'une prostituée, que cela soit réciproque, et qu'on parvienne à faire de ce point de départ plus que branlant la base d'une relation solide. J'ai envie de vivre ce qui paraît impossible, j'ai envie de donner corps à un conte de fée moderne, j'ai envie que le mythe devienne réel et que chacun s'extasie en contemplant la réussite là où tout le monde aurait parié l'échec. Bref je suis dans le déni le plus complet de la réalité.

 

Et maintenant que je suis au contact direct avec cette réalité si dure et rugueuse pour l'âme et les cœurs d'artichauts, je réalise à quel point je suis risible, ridicule, idiot. Croire au Père Noël pourrait passer pour plus rationnel que mes stupides hérésies sur le sentiment amoureux. Et là où j'enfonce le clou, me donnant encore plus de grain à moudre dans le moulin de ma bêtise crasse, c'est quand je constate que pitoyablement, j'en suis encore à regretter mon échec, à fantasmer un succès inaccessible en me projetant dans toutes sortes de scénarios alternatifs qui sont autant de rêves dont le seul effet est de me rendre encore plus morose. Ce qui, je dois le concéder bien malgré moi, révèle de ma personnalité une chose que j'ai beaucoup de mal à admettre, encore plus à accepter : c'est que je n'apprends pas, je réitère mes erreurs, j'accentue mes errances et je bafoue l'esprit rationnel que je me targue pourtant d'avoir. Plus j'avance plus mes paris sont fous et voués à l'échec avant même que le jeu ne commence. Plus j'avance et moins je fais illusion, et plus vite je me prends la réalité en pleine face. Ma relation avec Estelle, faite de hauts et de bas, de ruptures et de retrouvailles, aura duré peu ou prou 3 ans. Avec Karine le rêve aura été entretenu environ 8 mois. Avec Katia on aura connu un semblant de relation s'étalant et grandissant le temps d'une petite dizaine de rencontres tarifées étalées sur quelques mois, et qui aura tourné court en deux jours sortis du rapport d'argent qui nous liait auparavant.

 

Plus le temps passe et plus cela s'accélère. La prochaine étape devrait être l'ultime pas vers la nullité. Jusqu'ici il y avait relation, puis rupture et rejet. Tout ceci se condense de plus en plus et j'imagine que la prochaine fois il n'y aura ni début de relation ni rupture, mais directement rejet pur et simple. C'est l'évolution logique si j'en crois mon historique des événements. Et ça n'est pas très glorieux, vraiment pas glorieux. Faut-il que j'en arrive là pour mettre un terme définitif à l'existence d'un sentiment amoureux dans ma vie ? Faut-il cela pour m'apprendre à ne plus aimer, à ne plus succomber à la faiblesse de tomber amoureux et d'espérer un sentiment d'amour en retour ? Est-ce inconsciemment moi-même qui mets tout cela en place pour m'empêcher de saboter ma vie de famille ? Pour mettre à l'abri mon enfant, ou plutôt mes enfants devrais-je dire, de mon inconsistance sentimentale ? De mon incapacité à aimer et être aimé par la bonne personne ? Est-ce là l'ironie du sort qui continue à me prouver encore et encore que je n'aurai jamais d'autre choix que ma vie actuelle ? Que je suis condamné à vivre avec la seule femme qui m'aime sincèrement, Marie, et tant pis pour moi (et pour elle) si je ne l'aime pas, et tant pis pour moi (et pour elle) si je ne la désire pas ? Je suis dans une impasse depuis si longtemps... je me fracasse le crâne contre les parois, je cherche une échappatoire par le haut, par le bas, sur les côtés mais il n'y a aucun passage possible nulle part. Je suis là et je ne peux plus bouger. Me débattre n'a qu'un seul effet : celui de m'enfoncer chaque jour un peu plus, rien d'autre.

 

J'essaie de me dire que la solution c'est l'évitement, qu'il faut accepter ce qui n'est pas évitable pour y survivre, que la seule façon de ne pas en souffrir c'est de passer à autre chose et de me dire une bonne fois pour toute que l'amour et tout ce que cela implique ne m'est plus accessible et ne le sera plus jamais. Je sais que c'est la seule solution possible. Dans un langage de psychanalyste, je crois qu'on nomme cela la sublimation. Quand on refoule une frustration en se concentrant sur autre chose pour y déverser toute l'énergie qu'on ne peut pas mettre dans ce qui nous fait envie. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais il me semble que c'est à peu de chose près une définition correcte. Alors j'essaie de faire ce que je peux pour y arriver. Je lis énormément, j'écris autant que possible, je vois des films, je regarde des séries, j'écoute de la musique, je me cultive dans les sujets qui m'intéressent, j'essaie d'entretenir mon corps en respectant une certaine discipline de vie (aussi bien sportive qu'alimentaire), je consacre du temps à mon gamin même s'il traverse une période où ce n'est pas avec moi qu'il a le plus envie d'être. Et le reste du temps je prends mon mal en patience. Mais c'est moins facile à faire qu'à dire. J'ai beau me réfugier autant que possible dans l'imaginaire de la lecture ou du cinéma, j'y retrouve toujours des références à ce que j'essaie de fuir. J'ai beau écrire pour passer ma haine et mon désespoir, il transparaît toujours dans mes mots une pointe de nostalgie ou l'envie de tout envoyer péter selon les jours. J'ai beau m'acharner à faire des pompes et des tractions, je me demande toujours après mes séances à qui vont servir ces efforts, qui me regardera, qui me trouvera beau, qui aura envie de toucher ce corps qui enfin, enfin, donne un peu envie de le toucher. J'ai beau m'occuper de mon petit garçon,j'ai de plus en plus de mal à me consacrer aux autres car j'ai envie qu'on s'occupe de moi, j'ai envie de souffler, de me reposer dans les bras de quelqu'un qui m'aime et que j'aime, de lâcher prise quelques instants, juste le temps de reprendre un peu de forces.

 

J'ai beau fermer les yeux et me concentrer sur l'oubli, je vois Katia qui me souris et qui me tourne le dos. Se tournant vers tellement mieux, tellement plus intéressant, tellement plus enthousiasmant que moi et le peu que j'ai à offrir. Me fuyant pour ne pas s'enliser avec moi. Et elle a tellement raison. C'est cela le plus dur en fin de compte. Qu'elle ait tellement raison.

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